Rejet de la comptabilité en fiscalité marocaine.
Le rejet de la comptabilité par l’Administration fiscale lors d’un contrôle fiscal peut avoir de graves conséquences. En effet, en vertu des dispositions de l’article 213 du CGI :
» Lorsque les écritures d’un exercice comptable ou d’une période d’imposition présentent des irrégularités graves de nature à :
- mettre en cause la valeur probante de la comptabilité,
- et ayant pour conséquence une insuffisance de chiffre d’affaires ou de résultat imposable
- ou de ne pas permettre à la comptabilité présentée de justifier les résultats déclarés,
l’administration peut déterminer la base d’imposition d’après les éléments dont elle dispose ».
Il ressort clairement de cet article, que le rejet de la comptabilité a pour conséquence de donner à l’Administration fiscale un pouvoir d’appréciation sur les bases d’imposition. Par ailleurs, la circulaire 717 précise que cette situation inverse la charge de preuve. En effet, il incombe au contribuable de prouver l’inexactitude des appréciations de l’administration.
En pratique, le rejet de la comptabilité conduit quasi-systématiquement à la rectification à la hausse du chiffre d’affaires déclaré. Parfois, il conduit à la remise en cause de la marge nette déclarée.
Motifs du rejet de la comptabilité
Selon l’article 145 du CGI, les contribuables doivent tenir une comptabilité régulière et conforme à la réglementation marocaine. En effet, c’est cette régularité qui donne à l’Administration la possibilité d’exercer les contrôles prévus par le C.G.I.
Qu’est-ce qu’une comptabilité régulière ?
Une comptabilité régulière est une comptabilité que le contribuable tient dans le respect des dispositions :
- D’abord, de la loi 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants ;
- Ensuite, de la loi 15-95 formant code de commerce ;
- En outre, du Code Général de Normalisation Comptable ;
- Enfin, des articles 145, 146 et 147 du C.G.I.
Une entreprise (et plus généralement un commerçant) doit respecter des règles de fonds et de forme.
Règles de fonds pour éviter le rejet de la comptabilité
De la tenue des livres comptables
- Premièrement, procéder à l’enregistrement comptable des mouvements qui affectent son patrimoine ;
- Deuxièmement, contrôler l’existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine. Ce contrôle s’effectue par inventaire au moins une fois par exercice ;
- Troisièmement, établir des états de synthèse annuels sincères, faisant état à la clôture de chaque exercice:
- du patrimoine,
- de la situation financière
- et du résultat de l’exploitation
- Quatrièmement, s’assurer que les états de synthèse reflètent les enregistrements comptables dans le :
- livre-journal,
- grand-livre
- et livre d’inventaire.
Les états de synthèse qu’une entreprise doit produire incluent :
- Premièrement, le bilan ;
- Deuxièmement, le compte de produits et charges (C.P.C.) ;
- Troisièmement, l’état des soldes de gestion (E.S.G.) ;
- Quatrièmement, le tableau de financement (T.F.) ;
- Enfin, l’état des informations complémentaires (E.T.I.C).
L’administration peut rejeter la comptabilité en cas d’absence ou d’insuffisance de l’un de ces livres. Elle peut, en outre, rejeter cette comptabilité en cas de manquement de tenue des livres comptables.
De la fiabilité des livres comptables
En cas d’insuffisance des chiffres déclarés, l’Administration fiscale peut procéder à un rejet de la comptabilité de l’entreprise.
Cette insuffisance pourrait être établie par l’administration par plusieurs moyens notamment :
- Le recoupement du chiffre d’affaires déclarés avec les déductions opérées par les clients ;
- La reconstitution interne du chiffre d’affaires soit :
- contrôle quantitatif et/ou contrôle matière ;
- utilisation des constantes et paramètres de fabrication.
Lorsque l’Administration remet en cause la fiabilité des livres, elle peut rejeter la comptabilité.
Règles de forme pour éviter le rejet de la comptabilité
Règles comptables
En matière d’enregistrement comptable, les entreprises doivent:
- Premièrement, produire un journal des écritures comptables. En effet, le livre journal permet de procéder à l’enregistrement:
- de manière chronologique et global,
- jour par jour,
- en respectant les principes de comptabilité d’engagement.
- Deuxièmement, produire une balance générale et une balance auxiliaire. En effet :
- D’un côté, la balance générale permet d’enregistrer globalement les créances et les dettes à la clôture de l’exercice ;
- De l’autre, la balance auxiliaire permet de les détailler sur une liste sommaire mentionnant l’identité des clients et des fournisseurs et le montant de leurs dettes ;
- Troisièmement, produire un grand-livre des écritures. En effet, le grand-livre permet de présenter le détail par compte du plan comptable qui justifient les soldes présents dans la balance générale et auxiliaire ;
- Enfin, l’entreprise doit disposer de l’ensemble des pièces comptables justifiant les écritures à savoir :
- Factures probantes des fournisseurs pour les achats ;
- Pièces de caisse et bons pour les dépenses en espèce ;
- Copie des chèques et ordres de virements ;
- Relevés bancaires et états de rapprochements bancaires ;
- Factures de ventes établies selon une séquence continue et de manière chronologique
- …
Livres légaux
Dans la forme également, les entreprises doivent présenter à l’Inspecteur des Impôts :
- Un manuel de procédures comptable. qui a pour objet de décrire l’organisation comptable de leur entreprise. Il s’agit d’une obligation pour toute entreprise dont le chiffre d’affaires dépasse 10 millions de dirhams ;
- Le livre d’inventaire. Il s’agit d’un livre coté et paraphé par le juge du tribunal compétent avant son utilisation. En effet, ce document doit contenir un état estimatif et descriptif, des éléments actifs et passifs de l’entreprise ;
- Livre spécial de paie. Obligatoire en vertu de l’article 80 du C.G.I., ce livre récapitule les totaux des feuilles de paie. Cette obligation ressort également de l’article 371 de la loi n°65-99 relative au code de travail. L’entreprise peut demander la dispense de tenue d’un registre manuel à l’inspecteur du travail si elle tient un livre informatisé.
Lire également : Audit fiscal au Maroc
Le non-respect des règles de forme, ou l’absence d’un des livres prévus par la loi peuvent constituer une base justifiant que l’administration rejette la comptabilité.
Conséquences d’un rejet de la comptabilité
En cas de rejet de la comptabilité par l’Administration fiscale, les dispositions de l’article 213 s’appliquent. En effet, ceci donne à l’administration un pouvoir d’appréciation.
Lire également : Dispositions de l’article 213 du CGI.
L’administration peut, alors, établir l’imposition sur des bases différentes de celles que le contribuable a déclaré.
Ce droit intervient, selon les dispositions de l’article 213 et de la circulaire 717, dans les cas suivants :
- Premièrement, le défaut de présentation d’une comptabilité, tenue conformément aux dispositions légales (de fonds et de forme) ;
- Deuxièmement, l’absence des inventaires prévus par le même article ;
- Troisièmement, la dissimulation d’achats ou de ventes que l’administration prouve ;
- Quatrièmement, les erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées, constatées dans la comptabilisation des opérations ;
- Cinquièmement, l’absence de pièces justificatives privant la comptabilité de toute valeur probante ;
- Sixièmement, la non comptabilisation d’opérations effectuées par le contribuable ;
- Enfin, la comptabilisation d’opérations fictives.
Le rejet de comptabilité, lorsque un contrôle fiscal l’établit, conduit à une inversion de la charge de la preuve.
En effet, lorsque la comptabilité présente des irrégularités graves, la charge de la preuve incombe au contribuable.
En conclusion
Le rejet de la comptabilité est une arme redoutable dont dispose l’administration dans le cadre d’un contrôle fiscal.
Il incombe à l’entreprise de s’assurer qu’aucun motif de rejet de fonds ou de forme ne permettra de justifier cette procédure.
Nous conseillons vivement de tester votre comptabilité préalablement à travers un audit fiscal.